• Warren : Chapitre 1 (Soit : Poudlard, ce lieu idyllique)

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    Du bruit. Du monde. Un brouhaha continu qui se répercutait contre les arches de briques de la gare King's Cross. Des gens pressés qui se bousculaient, de vieilles connaissances qui discutaient en tas en bloquant le passage, des chariots laissés à l'abandon ici et là avec des hiboux qui tapaient sur leurs cages métalliques. Warren serrait la main de son père, s'y raccrochait comme à une bouée, sachant qu'il allait bientôt devoir la lâcher pour entrer dans un des wagons rouges du célèbre Poudlard Express.
    - Père... Rappelez-moi pourquoi on ne peut pas tout simplement utiliser un portoloin pour arriver devant l'école ? Pas à l'intérieur, hein : juste devant.
    Le soupir exaspéré qui suivit se perdit un peu dans le bruit ambiant.
    - C'est la tradition, Warren. C'est un très bon moyen pour faire connaissance une première fois avec tes futurs petits camarades. Je compte sur toi pour faire honneur à notre famille.
    Une tradition qui nécessitait de s'entasser dans un transport en commun pendant des heures avec des centaines d'autres victimes... La belle affaires. Enfin, par définition, une tradition devait être désagréable et inutile. Un principe qui s'était toujours vérifié.

    Dans sa cage, son corbeau s'énervait un peu. Lui non plus n'avait pas l'habitude de toute cette agitation et devait se demander ce qui lui arrivait. Mais Warren ne savait pas parler aux corbeaux : trop différents. Et son père ne l'avait pas laissé emporter une couleuvre, sous prétexte que l'animal était trop commun pour une famille de sang-pur comme la leur. Il avait préféré faire un tour à la Ménagerie Magique du chemin de traverse et laisser Warren choisir son compagnon. Évidemment, pas de serpent. Il avait hésité avec un petit triton à double-queue et s'était finalement décidé pour le corvidé.

    Son père lui donnait ses dernières recommandation, mais le garçon n'écoutait que d'une oreille, tentant de comprendre ce qui se passait autour de lui. De plus en plus de monde se pressait aux portes du Poudlard Express, et les larmes commençaient à couler chez des parents comme des enfants en prévision de cette longue séparation. Cette fois, le départ était imminent. Il devait lâcher la main.

    La cage du corbeau sous un bras, la valise dans l'autre, Warren monta tant bien que mal dans le wagon le plus proche. Il n'eut pas le temps de faire un dernier signe ni quoique se soit : les portes se refermaient déjà et le chef de gare sifflait le départ.

    Cahin-caha le jeune sorcier passa dans l'allée et guetta aux portes des compartiments. Évidemment, pas un seul n'était vide. Et il ne connaissait personne. Faute de mieux, il choisit le moins animé et poussa la porte.

    Deux filles s'y trouvaient déjà, l'une blonde et l'autre brune. Elles avaient l'air un peu plus âgées mais ne faisaient pas attention à lui, ce qui arrangeait bien Warren. Il monta sa valise sur le porte-bagage et posa son corbeau à côté de lui sur le siège, de sorte à ce que personne n'ait la mauvaise idée de prendre cette place. Et il sortit son bouquin. Un formidable traité de botanique illustré, tiré de la bibliothèque de son père avant son départ. Finalement, le voyage ne s'avérait pas si désagréable.

    Les deux filles papotaient entre elles à voix basse et le bruit des roues sur les rails avait quelque chose de berçant. Les paysages défilaient et le garçon relevait parfois la tête pour constater le changement. Il se sentait bien. Jusqu'à ce qu'une échevelée débarque comme une furie dans le wagon en parlant à toute vitesse.

    Toutes les têtes se relevèrent vers elle, interloquées.

    - On a perdu un crapaud, répéta-t-elle. Vous ne l'auriez pas vu ?

    Elle devait avoir son âge, à peu de chose près. Des dents un peu trop grandes, une crinière de cheveux châtains, et des vêtements moldus. Mais elle sentait bon l'encre fraîche et le parchemin, ce qui la fit remonter dans l'estime de Warren.

    - Pas de carpeau ici, répondit l'une des deux filles du wagon.

    Et elle repartit aussi vite qu'elle était arrivée, emportant avec elle sa crinière et son odeur.
    Warren se replongea sans tarder dans son ouvrage. Il pensait enfin être tranquille lorsque la porte s'ouvrit de nouveau.

    - Bonbons ? Friandises ? Chocogrenouilles ?

    Warren lança un regard courroucé à la vieille dame, mais elle ne le remarqua pas. Elle prenait la commande des deux filles, et lorsqu'elle se tourna enfin vers lui, il marmonna qu'il ne prendrait rien. Il n'avait absolument pas envie de sucrerie pour le moment. Et il avait laissé son peu de monnaie dans sa valise.
    La vendeuse était partie, mais maintenant, le compartiment empestait le sucre. L'odeur allait rester jusqu'à Poudlard, Warren le savait. Elle n'était pas si désagréable, mais très entêtante. Il retourna à sa lecture, et on le laissa enfin en paix jusqu'à Poudlard.

    Ils arrivaient.

    À peine sorti du wagon, il en eut le souffle coupé.

    On lui avait déjà dit que la maison de son père était grande, mais pas grande comme ÇA. Le château les surplombait de sa masse, se découpait sur ciel de nuage : grandiose, majestueux, impressionnant.

    - Par ici les premières années ! Avec moi !

    C'était une sorte de grand barbu hirsute qui hurlait ainsi. Mais "grand" était encore un euphémisme. Le gigantisme était-il une norme à Poudlard ? Si c'était le cas, Warren avait hâte de voir la tête des professeurs. Et des repas.

    Ils apprirent bien vite que leur guide se prénommait Hagrid et allait les conduire au château en passant par le lac noir. Des petites barques les attendaient sur la rive et ils furent répartis par groupes de trois ou quatre. Contrairement à ce qu'il avait craint, ils n'eurent pas besoin de pagayer : les barques se débrouillaient très bien toutes seules. Ils avaient tout loisir pour admirer les eaux sombres du lac et la silhouette imposante du château qui s'approchait de plus en plus. Le soir approchait et toutes les lumières baissaient, plongeant la troupe dans une sorte de douce torpeur.

    Warren appréciait beaucoup cette partie du voyage. Ils avaient vraiment le sens du spectacle, à Poudlard.

    Les barques furent laissées dans une sorte de hangar, et Hagrid les guida sur un chemin jusqu'aux portes du château. Ils entrèrent dans un hall aussi immense que le laissait deviner le reste de la bâtisse, tout en pierre avec de hautes voûtes d'ogives. La seule chose qui ne paraissait pas grandiose ici, c'était la femmes qui les attendait en haut d'une volée d'escaliers. Et pourtant, il s'en dégageait une autorité incomparable, même à côté du géant barbu.

    - Je suis la professeur McGonagall, sous-directrice de Poudlard, et je vous souhaite la bienvenue à l'école des sorciers. Dans quelques instants vous entrerez dans la grande salle et serez répartis dans les différentes maisons.

    La fameuse cérémonie de la répartition. Tout le monde était plus ou moins nerveux, même si certains le cachaient mieux que d'autres. Pendant que les lourdes portes de la grandes salle pivotaient pour les laisser entrer, Warren songeait à son père : serait-il blâmé si il ne terminait pas à Serpentard comme le reste de sa famille ? À Serredaigle par exemple ?

    Il franchit les portes avec le reste du groupe. Et cru qu'il allait s'arrêter sur place. Les gens derrière lui le poussait, alors il continuait d'avancer machinalement, mais il n'en menait pas large.

    Il y avait des centaines d'élèves attablés là : tout n'était que bruit, mouvement, brouhaha assourdissant, lumières flottantes et odeurs diverses. Après la fraîcheur du crépuscule, il se sentit prit d'une bouffée de chaleur et eut juste envie de retourner au calme du lac noir.
    Il se figea en même temps que le reste du groupe et n'entendit même pas les recommandations du directeur à leur égard. À moins qu'il ne se fut agit de paroles de bienvenue ? Tout ce qu'il réussit à retenir des centaines d'informations qui lui arrivaient à la fois, c'est qu'on avait apporté une sorte de chapeau informe et qu'on le plaçait sur la tête des jeunes élèves.

    - Warren Darkmantel !

    Cette fois, c'était à lui. Il s'avança comme dans un rêve (ou plutôt un cauchemars) et sentit tous les regards se braquer sur lui. On le fit assoir et la dénommée McGonagall lui posa le chapeau sur la tête.

    Instantanément, les bruit alentours disparurent. Il eut juste à fermer les yeux pour retrouver le calme tant espéré.

    - Voyons... Je sens une grande soif de connaissances. Une forte curiosité dans certains domaines...

    La voix résonnait dans sa tête. Il comprit que c'était le chapeau lui-même qui s'adressait à lui.

    - "Choixpeau", jeune homme : "Choixpeau". Je disais donc : de la curiosité, mais aussi de la ruse et de la détermination. Il y a du potentiel. Je dirait donc... SERPENTARD !

    Ce dernier mot résonna dans sa tête et à l'extérieur. Il comprit que toute la salle avait dû l'entendre et qu'il était classé pour de bon. Il se sentit soulagé mais comprit aussi qu'il allait devoir retourner à la réalité. Dans la fosse aux bêtes.

    Il prit sur lui pour repérer la table des Serpentards et s'y diriger. Le pire étant que les autres élèves ne semblaient pas souffrir autant que lui. Les Serpentards se mirent même à l'acclamer et l'applaudir dans un fracas terrible, ce qui n'arrangeait rien à son état.

    "Soit correct, ne me fait pas honte." Warren ébaucha un sourire et s'assit à côté d'un élève plus âgé et pas trop agité. Un sourire qui ne dura pas longtemps, mais peu importe : tout les regards l'avaient déjà quitté et se tournaient vers le prochain élève de la liste. Lui, il continuait ses efforts pour faire abstraction du bruit ambiant et commença à analyser un peu mieux la pièce. On retrouvait les mêmes voûtes d'ogives que dans le hall, mais celles-ci se perdaient dans un ciel nocturne parcouru de nuages. Et ce n'était pas juste un plafond peint : les nuages bougeaient réellement, comme si ils pouvaient voir à l'extérieur. Ce devait être un puissant sortilège... de la belle magie. Au dessus des tables flottaient des chandelles de tailles variables, mais il soupçonnait qu'elles ne soient là que pour décorer, car la luminosité était parfaite. Quand aux tables... Si Warren avait eu tord quand au gigantisme des professeurs, il n'était pas si loin de la réalité concernant les repas. C'étaient des chaudrons de soupe, des montagnes de chouquettes et des gueuletons de poulets rôtis, et dès qu'une assiette était vidée elle se remplaçait immédiatement par un plat nouveau.

    - Harry Potter !

    Warren sentit une différence dans l'ambiance générale. Moins de bruit tout à coup. "Alors c'est lui, la terreur de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ? Il a juste le même âge que moi ? Il n'a pas l'air si terrible... Et même un peu perdu."

    Le Choixpeau prit son temps avant de lancer le verdict :

    - Gryffondor !

    La maison des courageux, ça allait de soi. Warren savait qu'il n'aurait pas pu finir là-bas, pas plus qu'avec les patients et bavards Poufsouffles. Et il ne s'en portait pas plus mal.

    Tous avaient enfin reçus leurs attributions respectives, mais le banquet de bienvenue s'attardait trop. Les gens mangeaient, discutaient, et lui n'arrivait pas à suivre les conversations. Il n'avait plus faim, commençait même à se sentir un début de migraine, et espérait juste qu'on les guiderait bientôt à leurs chambres.

    - Ça va ?

    Il releva la tête et se rendit compte qu'il devait se boucher les oreilles avec la paume des mains.

    - Ça va très bien, grogna-t-il. Fiche-moi la paix.

    L'agressivité de sa voix dissuada le jeune serpentard face à lui d'insister plus. Et on le laissa tranquille pour le reste de la soirée.

    Enfin vint l'heure tant attendue de la visite de la salle commune : Les préfets prenaient avec eux tous les premières années et les guidèrent à travers les couloirs du château. Dans les cas des Serpentards, ils descendirent en continu jusqu'aux cachots de l'école.

    - On est sous le Lac Noir, marmonna un des élèves à son voisin. C'est mon frère qui me l'a dit.

    La messe-basse ne passa pas inaperçue et provoqua une certaine excitation, vite calmée par le préfet : tout allait bien se passer. Il fit passer le mot de passe dans les rangs et les invita enfin à entrer.

    Warren sut tout de suite qu'il allait apprécier le lieu.

    L'ambiance était tamisée, légèrement verdâtre grâce à la lumière qui provenait du lac. Une grande cheminée aux motifs serpentins occupait tout un pan de mur, et des fauteuils de cuir noir ouvragés étaient répartis dans l'espace. En guise de déco, quelques cadres et des crânes d'animaux divers. Une pièce qui respirait le calme : denrée fabuleuse après ce qu'il avait vécu dans la grande salle.

    Dans sa cage, le corbeau gonfla son plumage et se lissa quelques plumes du ventre avant de claquer du bec. Warren le prit pour une approbation. Cette première année promettait son lot de difficultés et de satisfactions.

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 23 Novembre 2019 à 19:03

    Il est très, euh, identifiable on va dire, l’enfant pas sociable qui aime pas la politesse et les traditions. La plupart des gens sur internet sont un peu comme ça, à pas aimer parler aux gens qui sont pas séparés par un écran.

      • Samedi 23 Novembre 2019 à 20:29

        C'est un peu plus que ça. Ou... un peu différent. Pas sociable, oui, mais plus en conséquence de ses troubles sensoriels. Et ce n'est pas qu'il n'aime pas la politesse, c'est qu'il a du mal à la comprendre. Mais c'est vrai qu'on retrouve beaucoup ce profile que tu décris sur internet, parce que le passage par l'écrit donne une certaine facilité à s'exprimer. Et qu'on peut choisir de côtoyer essentiellement des gens avec les mêmes centres d'intérêts que nous.

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